dimanche 21 septembre 2008

L'abeille coule

Alors que tous les yeux sont rivés sur Wall Street pour savoir si la crise financière des subprimes sera endiguée par les mesures draconiennes prises par le gouvernement américain ce week-end, une autre crise fait rage, silencieuse et presque invisible : la crise apicole.

Depuis plusieurs années, on nous explique que les abeilles meurent. Ce phénomène n’est pas propre à la France, partout dans le monde, les populations des ruches s’effondrent. Il ne reste plus que les reines et les jeunes abeilles, les autres disparaissent purement et simplement, sans laisser de traces. Les raisons demeurent mystérieuses, on invoque tantôt les pesticides (comme le Regent de BASF ou le Gaucho de Bayer dont l’usage a été interdit en France) tantôt  les ondes électromagnétiques ou bien encore de nouveaux virus. Le sort de ces hyménoptères n’a pas semblé trop émouvoir les populations ou les politiques. C’est juste une autre espèce que l’on voit moins (d’ailleurs voyez-vous encore des papillons l’été dans les jardins ?) mais dont on s’accommode de la raréfaction, à tort, car les abeilles sont fondamentales pour le bon fonctionnement de l’agriculture.

Einstein avait dit : « Si l’abeille venait à disparaître, l’homme n’aurait plus 
que quelques années à vivre » (la paternité de cette citation fait d’ailleurs débat). On n’en est pas encore là, mais d’après Le Monde du 20 septembre, on a franchi un cran aux Etats-Unis où les effets du phénomène deviennent clairement perceptibles. Le syndrome d’effondrement des colonies (Colony Collapse Disorder) se généralise et 30% des colonies d’abeilles manquent à l’appel. Or aux Etats-Unis les apiculteurs déplacent et louent le service de leurs ruches aux agriculteurs pour polliniser les champs. Par exemple on apprend que 80% des amandes consommées dans le monde provienne de Californie, et rien que cette culture mobilise la moitié des 2.4 millions de ruches américaines. Et bien, comme 30% des colonies ont disparu, il n’y en a plus assez pour satisfaire tous les besoins du pays et le prix de leur location explose. Elles se monnayent autour de 120 euros contre 32 à 46 euros il y a quelques années. En Caroline du Nord, la production de courgettes a été réduite de 50% simplement car il n’y avait plus de ruches disponibles. Des chercheurs du CNRS ont évalué que les insectes pollinisateurs rendaient un service à l’agriculture mondiale qui s’élevait à 153 milliards de dollars. C’est deux fois le prix du sauvetage de la compagnie d’assurance AIG, donc ce chiffre fera peut-être commencer à faire réfléchir les hommes politiques mais aussi les industriels. En tout cas, il devrait être suffisant pour financer une étude approfondie des causes des Colony Collapse Disorder.

2 commentaires:

YogaShantiDarshan a dit…

Je ne sais pas si tu connais cet article :

http://fr.wikipedia.org/wiki/Syndrome_d%27effondrement_des_colonies_d%27abeilles

Jean-Pierre Goux a dit…

Je ne connaissais pas cet article, merci ! Ce qui est effrayant c'est qu'il y avantage une avalanche de causes probables ce qui montre à quel point les pressions exercées par l'homme sur la Nature sont multiples et importantes.

J'espère sincèrement que les législateurs vont prendre la mesure de ce problème et essayer de sauver les abeilles. Néanmoins j'ai l'impression qu'ils ne savent que traiter une seule crise à la fois (et en ce moment elle est clairement ailleurs), et que celle des abeilles passera toujours en deuxième voir en dixième. On ne pourra compter, comme d'habitude, que sur les ONGs et les manifestants pour pousser les gouvernements à agir.

Mais avant d'agir, il faudrait déjà comprendre et pour cela, des budgets importants et des chercheurs "indépendants" doivent plancher.