jeudi 29 janvier 2009

Michael Crichton, CO2 et LHC


Le 23 février prochain, la NASA lancera son premier satellite d'observation destiné à mesurer le CO2 à la surface de la Terre. Le Orbiting Carbon Observatory (OCO) permettra enfin d'identifier où sont les principales sources de CO2, mais surtout les principaux "puits". Aujourd'hui, ce qui est clair c'est que la concentration de CO2 dans l'atmosphère est passée de 280 ppm avant l'ère industrielle à 335 ppm, et que sur la quantité émise, 40% seulement se trouve dans l'atmosphère. Sur les 60% restants, la moitié devrait se trouver dans les océans (participant malheureusement à l'acidification des océans et au processus dramatique de blanchiment des coraux dont nous reparlerons sur ce blog) mais la localisation des autres 30% séquestrés reste mal connue. 
Il ne peut pas y avoir de politique efficace de lutte contre le réchauffement climatique tant que l'on ne saura pas précisément quels écosystèmes jouent un rôle positif ou négatif, et dans quelle proportion. Le rôle précis des forêts, des toundras, des océans, des terres agricoles ou des récifs coralliens dans la chaîne du carbone seront certainement mieux compris très bientôt grâce à OCO.
Comme Al Gore et comme tout le monde, je suis un fervent partisan des réductions d'émissions de CO2 (ça a même été mon travail pendant un moment). Mais compte tenu des montants en jeu, il ne faut pas faire n'importe quoi et ne pas investir dans des économies inutiles et sans effets pour la planète. Pour cela, le réchauffement climatique doit rester un sujet "scientifique", dont on doit pouvoir débattre ouvertement et sans tabou. Et notamment du lien très complexe entre taux de CO2 et réchauffement. Aujourd'hui, il est très dur d'émettre des réserves sur le processus de réchauffement (même les plus infimes recommandations de bon sens) sans être taxé d'"agents" des multinationales pétrolières (et c'est vrai que ces agents désinformateurs existent), alors qu'il s'agit d'un des phénomènes physiques les plus complexes. Il faut absolument qu'un débat sain et serein puisse continuer à avoir lieu pour choisir la politique la plus efficace. Dans tous les domaines, c'est le cas, alors pourquoi pas dans l'environnement ? 

C'était le sens de la mise en garde de Michael Crichton dans son roman Etat d'Urgence (paru en 2004 aux Etats-Unis) qui a défrayé la chronique. En effet, les propos de l'auteur ont été mal compris et on lui a tout de suite reproché d'être à la solde d'Exxon. Michael Crichton, dans un roman certes provocant mais qu'il ne faut pas prendre au pied de la lettre, indiquait seulement qu'il fallait que l'environnement puisse rester un sujet scientifique avec des controverses et non un amas de compromis scellés pour l'éternité. Depuis Popper, on sait que ce qui caractérise la Science, c'est sa Falsifiabilité, donc la possibilité de pouvoir essayer de démontrer l'inexactitude de ses affirmations. Relisez Crichton et surtout son message aux lecteurs à la fin dans lequel il s'explique. Crichton était un environnementaliste convaincu, mais scientifique dans l'âme et donc il ne pouvait pas supporter l'attitude fanatique de certains et les dérives qui en découlent. Même s'il a tort dans certains faits qu'il a énoncés, on ne peut pas lui reprocher de lutter contre le fanatisme. Crichton aurait donc été ravi de l'envoi de la nouvelle mission de la NASA qui participe à une meilleure connaissance des processus de la chaîne du CO2, et donc à une amélioration du débat scientifique. 
Je dis bien "aurait été" car Michael Crichton nous a quitté le 4 novembre 2008, emporté par un cancer, la veille de la victoire d'Obama... A l'âge de 66 ans, il laisse une oeuvre gigantesque. Evidemment Jurassic Park, mais aussi la série Urgences (bon d'accord cette série n'aura pas fait avancer l'Humanité). Ces 3 derniers livres étaient bien au-dessus des autres :
  • Prey (La proie) en 2002 qui mettait en scène les dérives liées à l'utilisation combinée  des nanotechnologies, de la robotique et de l'intelligence artificielle. Ce livre était une extrapolation de l'article extraordinaire "Why the future doesn't need us" de Bill Joy (directeur scientifique de Sun Microsystems et proche d'Obama) paru dans Wired en avril 2000, dont je recommande la lecture à tout le monde. On en reparlera aussi sur ce blog.
  • State of Fear (Etat d'Urgence) en 2004, dont nous avons parlé plus haut, qui dénonce le totalitarisme écologique. C'est un livre qui fait réfléchir, à prendre avec des pincettes. Malheureusement la qualité de l'intrigue laisse à désirer et en fait finalement un médiocre éco-thriller. Son livre le plus polémique, mais pas le meilleur.
  • NEXT en 2006, un roman vraiment renversant qui nous alerte sur le danger inouï des brevets sur les gènes et de leur commerce. Tous les faits sont tirés d'histoires vraies, qui se déroulent aujourd'hui et on l'ignore presque complètement (au moins en France). Un monument de mise en garde.
Pendant 40 ans et jusqu'au bout, ce chirurgien diplômé de Harvard a écrit. Il était déjà très riche (150 millions de livres vendus et des dizaines d'adaptations cinématographiques) et il écrivait uniquement pour son plaisir et celui de ses lecteurs (ce qui est une preuve de plus que State of Fear n'a pas été écrit pour Exxon dont il n'avait rien à faire). Il était le précurseur d'un genre qualifié d'edu-tainment (education + enternainment) et il nous manquera beaucoup. La qualité de son anticipation était rare, et malheureusement il y a peu d'autres auteurs du même niveau dans ce genre. Il a passé son temps à nous alerter sur les dangers de la technologie et sur les solutions à mettre en oeuvre pour les éviter. C'était un scientifique éclairé.
Pour ceux qui aimaient Michael Crichton, sachez qu'il avait presque terminé un nouveau livre qui devrait sortir à titre posthume en mai 2009 aux Etats-Unis. Le titre sera probablement "Final day of happiness". Il y raconte l'histoire d'un groupe de scientifiques qui conçoit un nouvel accélérateur de particules, surpuissant. L'accélérateur s'emballe et produit alors un trou noir artificiel qui menace l'Humanité. On pourrait se croire dans une mauvaise série Z, mais c'est exactement ce que certaines voix redoutaient lors de la mise en service du plus grand accélérateur de tous les temps, le Large Hadron Collider du CERN (Crichton était toujours extrêmement bien documenté) en septembre dernier. Il ne s'est heureusement rien passé de tel, mais la raison principale est que le LHC a été endommagé après seulement quelques jours de tests à faible charge... (la presse a peu parlé de ces problèmes). Le LHC doit redémarrer à l'été 2009 et un article ("Probing the improbable") publié la semaine dernière par l'Institut sur le Futur de l'Humanité de l'Université d'Oxford revient sur les risques, maigres mais théoriquement significatifs, d'un tel événement...
En tout cas, une grande révérence pour Michael Crichton, génie de l'anticipation. En espérant tout de même qu'aucune de ses dernières prophéties ne se réalisent... Bon voyage stellaire Michael !
PS : si certains veulent échanger sur Etat d'Urgence, j'y suis tout à fait disposé, mais à la condition que vous ayez lu le livre (et non pas ce que l'on en dit sur Internet) !

mardi 20 janvier 2009

Enfin...

Goodbye George... Hello Barack !
PS: la Maison Blanche a maintenant son blog, excellente façon de suivre les faits et gestes de ce cher Barack.

Les nénuphars de la City


J’ai eu l’occasion d’assister la semaine dernière au « London City Debate », dîner de gala annuel de la puissante FOA (« Futures and Options Association », c’est-à-dire l’association des professionnels des produits dérivés), qui réunit le gratin de la finance londonienne. Autant vous dire que le moral n’était pas au beau fixe. Au cours de ce dîner, une motion est proposée au public et 4 intervenants prestigieux plaident en faveur ou contre cette motion. Les échanges prennent la forme d’un débat dit « contradictoire », dans le plus pur style oxfordien, où chacun expose ses arguments et son raisonnement. Après les interventions des différents orateurs le public vote.

Cette année, la motion débattue était justement : « Est-ce les services financiers sont responsables de la crise actuelle ?». On assista donc avec intérêt à l’auto-procès de la City. Le résultat est intéressant car seulement 53% des présents ont voté « Oui ». Un pourcentage plus élevé aurait été plus rassurant car la motion ne précisait pas que les services financiers étaient les « seuls » responsables, mais l’on ne peut pas demander à cette industrie de scier la branche sur laquelle elle est assise. C’est bien là une partie du problème. Ceux qui défendaient le « Non », on fait valoir tour à tour : la responsabilité des politiques qui ont poussé les banques à prêter à risque, des régulateurs, des investisseurs, des scientifiques qui ont conçu des modèles erronés, des agences de ratings…, d’autres ont tout simplement nié l’existence d’une crise suffisamment grave pour envisager à une remise en cause du système actuel. Enfin certains se sont hasardés à indiquer que comme la finance avait par le passé amené des choses très positives (développement du commerce international, accompagnement de la croissance), il était aberrant de critiquer son bien-fondé. C’est stupéfiant, mais ces arguments fallacieux ont une grande valeur psychologique et sociologique pour déterminer l’origine de la crise actuelle.

Certes les financiers ne sont pas les seuls responsables de la crise, mais ils en ont été indubitablement les chefs d’orchestre pour certains et les exécutants silencieux pour la plupart. Leur attitude m’évoque toujours la fameuse expérience de Stanley Milgram sur l’obéissance et la responsabilité collective.

Au début des années 60, ce chercheur de l’université de Yale a cherché à estimer à quel point un individu peut se plier aux ordres d'une autorité qu'il accepte, même quand cela entre en contradiction avec son système de valeurs morales et éthiques. Sous le contrôle d’un soi-disant docteur, les cobayes ont injecté des doses quasi mortelles (mais heureusement simulées) à d’autres faux cobayes. Cette expérience a d’ailleurs récemment été rééditée et ses résultats ont été confirmés.

Les traders à qui l’on promettait des bonus faramineux se doutaient forcément compte de la toxicité des produits sur lesquels ils intervenaient, mais sous le stress de leur organisation et avec la bienveillance de leurs responsables hiérarchiques, ils ont continué à appliquer les ordres. Surtout qu’avec leurs gains, ils espéraient (pour la plupart) sortir de ce jeu malsain au bout de quelques années. Ils ont donc porusuivi jusqu’à la catastrophe. A la lueur des résultats de l’expérience de Milgram, on peut peut-être s’interroger sur leur culpabilité, mais pas de celles de leurs chefs.

Ceux-ci n’ont pour eux rien fait de mal, ils n’ont fait que prêter, ce qui est une part de leur métier. Sauf que poussés par la cupidité (et un peu par les Etats qui voulaient encore s’acheter de belles années de croissance… à crédit), ils ont prêté dans des proportions considérables à des ménages insolvables, à des collectivités locales sans le sou, à des Etats aux caisses vides et à des entreprises en manque de stratégie, et qu’ils ont par dessus le marché créé des produits dérivés permettant de vendre le risque à des tiers. Ces actifs toxiques ont été incorporés (« titrisés ») dans des véhicules complexes (Credit Derivative Swaps, les fameux CDS) qui présentaient un très haut rendement (notamment pour les portefeuille rassemblant les couches de créditeurs les plus douteuses) mais aussi les plus risqués. Tout l’économie a bénéficié de cette titrisation : Toyota, Visa etc… Ces produits, véritables bombes à retardement, étaient très prisés et ont fait la fortune des banquiers ces dernières années, sauf que le jour où la conjoncture s’est radoucie, plus personne n’en voulait. Leur contenu, véritable concentré de substances radioactives, a alors explosé à la figure de ceux qui tenaient la patate chaude en dernier, et par effet de domino bientôt à toute la finance puis à toute l’économie.

Tant que ce recours massif à l’emprunt s’accompagnait de la croissance de l’économie, les emprunteurs parvenaient tant bien que mal à honorer leurs dettes, mais dès que le système a atteint ses limites, la machine s’est arrêtée et la déconfiture a suivi. Nous ne sommes encore qu’au début des conséquences de cette crise et les milliers de milliards injectés par les Etats auront du mal à faire repartir la machine.

Outre la cupidité, il semble que les financiers incriminés ont aussi été l’objet de la même hallucination : la croyance aveugle que nous vivons dans un monde infini, ce qui n’est malheureusement pas le cas, comme nous le rappelle la première photo de la Terre entière prise par l’équipage d’Apollo 17 en 1972.

Les banquiers ont donc ignoré que lorsque l’on gère (ou que l’on est impliqué dans) un processus à la croissance exponentielle (ici le recours au crédit amplifié par l’effet de levier des produits dérivés), il faut bien avoir en tête la taille du système dans lequel il se développe (ici en gros l’économie planétaire) et freiner sa croissance bien avant qu’il en atteigne les limites. Si l’on ne prépare pas ce ralentissement, les frontières du système sont percutées à pleine vitesse et à la suite du choc les comportements du phénomène changent évidemment du tout au tout (c’est là que le fameux risque de « liquidité » qui n’était pas pris en compte et qui s’est fait dûrement sentir).

Malheureusement la vitesse à laquelle les limites du système s’approchent paraît toujours déformée dans un système exponentiel. On pense que l’on aura toujours le temps de réagir et en tout cas rien ne nous pousse à agir le premier. La parabole du nénuphar illustre parfaitement cette situation.

Imaginons que la population de nénuphars d’un étang double chaque jour et qu’il faille 30 jours pour qu’elle remplisse toute la surface et l’asphyxie. Au bout de combien de jours les nénuphars couvrent-ils la moitié de l’étang ? Et non, pas 15 jours mais bien 29 jours. Les plus matheux d’entre vous me diront que c’est évident, mais dites vous bien qu’au 27ème jour quand l’étang n’est couvert qu’à 1/8 et même le 28ème jour personne ne s’alarmera ou ne parviendra à convaincre que la crise est imminente. La crise environnementale actuelle relève de cette dynamique. Avant le 29ème jour, les Nicolas Hulot et autres vigies seront taxés d’être les Cassandre des temps modernes et personne ne les écoutera. Le jour où le drame sera évident, il sera trop tard.

Qu’il s’agisse d’environnement ou de finance, pour empêcher une nouvelle crise du même type, il faudrait réguler toutes les activités humaines conduisant à des processus exponentiels et les soumettre à un comité des sages. Par exemple un comité qui évaluerait l’impact de telles décisions sur 7 générations, comme le faisaient les Indiens.

En résumé, pour ne pas recommencer, il faut que l’Humanité apprenne à se comporter dans un monde fini, et il faudrait que la crise s'aggrave pour que les gouvernements propose un autre mode de société (pour l'instant ils injectent juste de l'argent pour que le monde tel qu'il était puisse continuer) où l'argent ne serait plus la seule finalité du travail pour les gens les plus riches (donc les plus puissants).

Méditons ces quelques phrases de Saint Exupéry dans Terre des Hommes : "La grandeur d'un métier est peut-être, avant tout, d'unir des hommes : il n'est qu'un luxe véritable, et c'est celui des relations humaines. En travaillant pour les seuls biens matériels, nous bâtissons nous-mêmes notre prison. Nous nous enfermons solitaires, avec notre monnaie de cendre qui ne procure rien qui vaille de vivre. Si je cherche dans mes souvenirs ceux qui m'ont laissé un goût durable, si je fais le bilan des heures qui ont compté, à coup sûr je retrouve celles que nulle fortune ne m'eût procurées. On n'achète pas l'amitié d'un Mermoz, d'un compagnon de vol que les épreuves vécues ensemble ont lié à nous pour toujours".

Il y aurait dix milles autres choses à dire sur la crise actuelle et sur ls travers psychologiques et sociologiques qui l’ont provoqué. Dans un prochain post, je vous parlerai du déni et de l’aveuglement au désastre.

lundi 19 janvier 2009

Test Quizz

RIP Espace Magazine (2003-2008)

L’arrêt de la publication d’un magazine que l’on apprécie provoque toujours un vide. Espace Magazine que je suis depuis leur numéro 1 de juillet 2003, s’est éteint officiellement fin 2008 après 38 numéros (le dernier numéro étant sorti en avril). Il rejoint ainsi Actuel, Planète, Janus et tant d'autres publications qui auraient mérité l'éternité.
Pendant près de 5 années, tous les deux mois je prenais un plaisir secret à aller l'acheter chez mon marchand de journaux (je ne me suis abonné que très récemment, pour les aider) et à me délecter des photos et des articles sur l'histoire et l'actualité de la conquête spatiale. Le ton de cette revue était parfait, juste le bon niveau de technicité et de vulgarisation pour toucher un public varié et large. C'était le seul à traiter de ces thèmes pourtant essentiels pour la France, l'Europe et l'Humanité. A son échelle, il a permis d'intéresser et de redonner la passion de l'aventure spatiale à de nombreux lecteurs, et surtout à les faire rêver (j'étais de ceux-là). 
Comme souvent dans la presse spécialisée, cette publication remarquable tenait à l'engagement hors du commun d'une personne : Olivier Sanguy. Il écrivait à lui seul peut-être 60% des articles. Olivier a apparemment été gravement malade cette année, et les propriétaires n'ont pas pu trouver de solutions de remplacement. 
On souhaite à Olivier un prompt rétablissement et on espère qu'il reviendra vite avec un nouveau projet. On imagine mal 2009 sans Espace Magazine, alors que nous allons célébrer en juillet les 40 ans d'Apollo 11, que nous sommes entrés dans l'année mondiale de l'Astronomie et que l'on attend de voir quel avenir Barack Obama réserve à la NASA  (on attend d'ailleurs cette semaine la nomination du nouvel administrateur), au programme Constellation et s'il enclenchera ou non une course à la Lune avec les Chinois.
Encore bravo et merci. Ce blog lui doit beaucoup.
PS: Olivier Sanguy a aussi son blog : Spatial pour tous.

Evolution minérale



Y a-t-il toujours eu de l'argile sur Terre ? 
De la même façon que toutes les espèces animales ne sont pas apparues simultanément (n'en déplaise aux créationnistes), les minéraux ont eux aussi connu une "évolution" selon un article publié en novembre 2008 dans la revue American Mineralogist par le chercheur américain Robert Hazen (l'ancien président de la Société Américaine de Minéralogie) et ses collègues. Par évolution, il faut comprendre "changement progressif" et non pas "sélection naturelle". Selon les auteurs, la diversité des minéraux que l'on trouvait sur la Terre était au départ très faible alors qu'il y en a près ce 4300 aujourd'hui. La création de ces nouveaux minéraux aurait eu lieu par paliers successifs sous l'effet de processus physiques, chimiques puis biologiques.
  • Il y a 4.56 milliards d'années, il n'y en aurait eu qu'une soixantaine (essentiellement des chondrites que l'on trouve dans les météorites). 
  • Lorsque les matériaux constituant la sphère terrestre primordiale se sont densifiées, soumis à cette pression le nombre de minéraux a augmenté jusqu'à 250. 
  • Sous l'effet de l'action des volcans et de la tectonique des plaques qui ont restructuré l'allure de la surface de la Terre, les minéraux atteignirent environ 1500 variétés, il y a 4 milliards d'années juste avant que la vie émerge.
  • Les algues bleues (aussi appelées cyanobactéries) sont apparues il y a près de 4 milliards d'années et par la photosynthèse ont commencé à fixer le dioxyde de carbone et à relâcher de l'atmosphère, ce qui a conduit à une augmentation des carbonates et des composés à base de fer.
  • Autour de 2.3 millions d'années, les algues bleues avaient saturé l'atmosphère en oxygène dans la période dite de Grande Oxydation, conduisant à près de 4000 sortes de minéraux. Les cellules eucaryotes capables de respirer sont alors apparues et ont équilibré autour des niveaux que l'on connaît aujourd'hui. Les êtres multi-cellulaires ont ensuite fixé dans leurs squelettes les minéraux et ont inventé une multitude de processus biochimiques qui ont ensuite transformé la surface minérale de la Terre. 
Pour répondre à la question posée en début de ce post, l'argile ne s'est formé que dans ce dernier stade de l'évolution minéral.
Selon Hazen, il est fondamental que la Terre soit passé par ces stades d'évolution minérale afin que la vie ait pu apparaître. La richesse des minéraux autour de nous ne serait donc pas seulement agréable à observer, elle nous aurait aussi permis d'exister. L'évolution des règnes minéraux et végétaux seraient donc intiment liés et la variété de formes, de textures, de couleurs que nous connaissons aujourd'hui en résulterait. Ce paon bleu (comme l'Homme) est l'aboutissement de cette extraordinaire trajectoire. Sachons nous en rappeler et en être digne.

Hazen en tire aussi des applications en astrobiologie (la science étudiant la vie ou la possibilité de la vie sur les autres astres) : en observant la complexité des minéraux composant la surface d'un corps céleste on pourrait déduire la possibilité d'y découvrir la vie.

dimanche 18 janvier 2009

Biosphere 2 : construction et désillusions (2/4)

Cet article est le deuxième de mon enquête sur Biosphere 2 :

- Partie 1 : Biosphere 2, la genèse du projet,

- Partie 2 : Biosphere 2, construction et désillusions,

- Partie 3 : Biosphere 2, rencontre avec des Biosphériens.

- Partie 4 : Biosphere 2, la vérité qui dérange.

Comme indiqué dans le premier article, lorsque le projet Biosphere 2 fut officiellement présenté en 1988 et que la construction démarra, la presse (scientifique et généraliste) s’en fit le relais et débordait d’enthousiasme ; tout le monde avait hâte qu’il se concrétise. Ce projet était en effet une utopie sans précédent qui permettrait de mieux comprendre le fonctionnement de la Terre pour sa préservation et de préparer ultérieurement la colonisation du système solaire. Il tombait à pic avant l’avènement du 21ème siècle qui avait besoin de projets visionnaires, mais surtout il arrivait à un moment où l’humanité s’inquiétait de la dégradation de l’environnement (le rapport Bruntland qui introduisait la notion de développement durable était publié en 1987 et le Sommet de la Terre qui devait se tenir en 2002 à Rio était en préparation).

La construction fut rendue possible grâce au support d’Edward P. Bass, un milliardaire philanthrope héritier de la famille Bass, une des plus grandes familles texanes du pétrole.

Cela peut paraître paradoxal pour des pétroliers texans, mais la famille Bass a toujours eu un intérêt vif pour la protection de l’environnement. Comme on peut le voir sur le rapport annuel 2007 de la WWF (page 64), Edward P. Bass est d’ailleurs encore aujourd’hui Vice Chairman du Board de la WWF, poste qu’il occupe avec le célèbre Jared Diamond, professeur à UCLA et auteur, entre autres, de l’extraordinaire Effondrement, qui analyse l'évolution des civilisations selon qu'elles ont pris en compte ou pas les contraintes environnementales. A lire absolument.

Edward P. Bass était très proche du créateur de Biosphere 2 John Allen (dont on a parlé longuement dans le précédent post), il faisait partie de l’Institut d’Ecotechnique quasiment depuis le début et fréquentait le Synergia Ranch dans le Nouveau Mexique où John Allen réunissait un groupe de personnes inspirées par les mouvements de contre-culture californiens, et où les participants occupaient leurs journées à jouer des pièces de théâtre, à danser, à méditer ou à réfléchir sur l’avenir de la société et la place de l’homme et de la biosphère dans l’univers. Edward P. Bass a injecté personnellement 200 millions de dollars dans le projet. Il espérait en tirer des dividendes en développant le tourisme autour de Biosphere 2, mais surtout en vendant le concept aux agences spatiales gouvernementales pour l’exploration du système solaire. L’investissement ne lui rapporta jamais un sou, mais malgré cela, en 2008, à 63 ans, il occupait encore la 163ème place du Forbes 400, classement des 400 Américains les plus riches et sa fortune s’élève à 2.5 milliards de dollars (les 4 frères Bass totalisent une fortune de 14.5 milliards de dollars). Ce soutien financier privé d’Edward Bass sera plus tard au cœur des critiques émises sur Biosphere 2.

Pendant les trois années de la construction de la Biosphère, l’enthousiasme du public et des médias autour de cet incroyable projet ne dégonfla pas. Lorsqu’en septembre 1991 tout fut prêt pour la grande aventure, chacun retenait son souffle, comme le montre cette couverture de Science&Vie de septembre 1991 (que je garde précieusement, tout comme le numéro de novembre 1988 où le projet était annoncé pour la première fois et qui m’avait tant fait rêver).

Lorsque les huit premiers « biosphériens » refermèrent le sas étanche derrière eux, les médias étaient tous présents (ci-dessous Abigail Alling, Ray Walford et Jane Poynter qui saluent une dernière fois la foule).

Puis soudain l’idylle fut terminée et l’on a assisté à une véritable descente aux enfers. Les critiques sur le projet sont devenus de plus en plus nombreuses, et au bout de deux ans lorsque les huit malheureux « cobayes » sortirent de leur incroyable expérience, ce fut presque sous les sifflets. Qu’est ce qui a pu causer un tel revirement et faire péricliter cet incroyable projet ?

Cette question m’a hanté depuis lors et j’ai longtemps eu un mal fou à trouver des informations sur ce qui s’était réellement passé à l’intérieur et à l’extérieur, faire la part des choses entre le vrai et le faux dans les articles des journalistes. En me rendant sur le site Biosphere 2 en 1999, je n’ai rien trouvé sur place qui puisse m’éclairer sur les raisons de cette déconfiture. Le site de Biosphere 2 avait été mis sous la tutelle de la Columbia University de New York. C’était devenu une simple extension du campus de Manhattan et les nouveaux « locataires » évitaient soigneusement toute référence à l’expérience initiale.

Pour en savoir plus, il fallait s’approcher des créateurs du projet. Il me fallut près de vingt ans pour y parvenir. Suite dans un prochain post.

jeudi 8 janvier 2009

Chicago vu du ciel


Dans l'inconscient collectif, Chicago est une ville laide qui évoque Al Capone, les ghettos et les gangs. Or il n'en est rien du tout. C'est sans doute l'une des plus belles villes des Etats-Unis qui trône paisiblement au bord des rives du Lac Michigan. Les gratte-ciels rivalisent de beauté, d'originalité et d'audace, et le maire a souhaité laisser une grande place aux oeuvres d'art dans la ville. Vous y croiserez des oeuvres monumentales de Calder, Chagall, Dubuffet, Miro ou Anish Kapoor. 
Trey Ratcliff, un photographe hors du commun, a immortalisé la ville avec ses clichés surréalistes. La photo ci-dessus a été prise du haut de la tour John Hancock, dont je vous avais parlé dans un précédent post à propos de ses mystérieuses araignées acrobates. Ci-dessous, un travail autour de la sculpture Cloud Gate d'Anish Kapoor, oeuf extraterrestre posé au milieu du Millenium Park, à deux pas du pavillon de Frank Gehry.
Vous pourrez admirer et télécharger toutes les photos de Trey sur son site Internet Stuck in Customs. Un must.

Air et eau

L'air et l'eau sont des ressources rares, notion qui n'est pas toujours facile à faire passer, tellement ces éléments paraissent disponibles en des quantités infinies. Pourtant le temps du monde fini a commencé depuis longtemps, comme l'avait déjà remarqué Paul Valéry il y a soixante ans. L'image ci-dessus permettra peut-être enfin de faire réaliser à tous la rareté de ces ressources précieuses:
  • A gauche, une sphère renfermant toute l'eau de la planète (eau de mer, glace, lacs, rivières, réserves souterraines, nuages).
  • A droite, une sphère renfermant tout l'air de l'atmosphère.
Vous comprenez maintenant pourquoi il faut les préserver ?
Credit: ADAM NIEMAN / SCIENCE PHOTO LIBRARY

samedi 3 janvier 2009

Sharkwater

Je viens de voir un film qui m’a retourné : Sharkwater (« Les Seigneurs de la Mer »). A lui seul, il résume bien la période inouïe que traverse l’humanité : nous vivons sur une planète incroyable et nous nous y comportons comme des barbares.

Passionné des requins depuis son enfance, Rob Stewart a décidé de réhabiliter cette créature en voie d’extinction (90% des requins ont disparu de la faute de l’homme). Dans la première partie du film, il nous montre les requins dans leurs milieux naturels et les images sont prodigieuses. Il nous rappelle que ce sont des créatures peureuses et qu’elles cherchent en général à éviter l’homme. Chaque année seulement 5 personnes meurent dans les mâchoires des requins soit infiniment moins que celles dévorées par les crocodiles ou les éléphants, espèces qui sont elles protégées. Il nous montre ensuite comment les requins sont exterminés massivement, notamment par les palangriers, pratique de pêche consistant à laisser de longues traînes de 100 kilomètres parsemés d’hameçons. 

Sur une seule traîne, le réalisateur trouve jusqu’à 100 requins morts, sans parler des tortues et autres cadavres  de créatures innocentes que les pêcheurs ne recherchaient même pas. Des requins, ils ne gardent en général qu’une partie : l’aileron. Ils rejettent ensuite le corps mutilé à la mer. Chaque année c’est 100 millions de requins qui périssent ainsi pour le commerce des ailerons ! Après être passés entre les mains de plusieurs intermédiaires, les ailerons sont revendus dans les marchés asiatiques et les restaurants gourmets et le prix final peut avoisiner deux cents dollars la livre. C’est atterrant de voir ces seigneurs de la mer « génocidés » pour le palais de quelques abrutis qui croient dans les vertus curatives de la chair des requins. Une image m’a particulièrement horrifié, celle où l’on voit des pêcheurs découper l’aileron d’un requin baleine (à la 37ème minute), la plus belle et la plus pacifique de toutes les créatures. Tout cela pour 10 000$. Cette espèce rare est maintenant paraît-il en danger. La connerie humaine à l’état pur.

Devant ce massacre des requins, les superprédateurs de la mer, qui menace les chaînes alimentaires de l’océan (et donc l’homme en le privant d’oxygène produit par le phytoplancton), personne ne bouge. A part Rob Stewart. Aucune loi internationale et très peu d’associations ne protègent les requins. Pour une simple raison : les requins font peur. Spielberg avec ses Dents de la Mer porte, malgré lui, une grande part de responsabilité dans l’instauration du mythe sanguinaire qui entoure ce monstre marin dans l'inconscient collectif (au lieu de faire partir sa fortune en fumée chez cet escroc de Madoff, Spielberg aurait mieux fait de faire un don pour sauver les requins...).

Pour la plupart des gens, ce n’est pas une mauvaise chose que cette bête du Gévaudan soit éradiquée de notre planète. Pour stopper ce massacre, Rob Stewart est allé chercher, le seul, l’unique et l’irremplaçable protecteur des océans : Paul Watson et son association Sea Shepherd, dont on vous a déjà parlé à plusieurs reprises dans ce blog. Après une lutte très violente et trépidante, l’équipage de Sea Shepherd ramène finalement un palangrier sur les côtes du Costa Rica pour que les pêcheurs soient jugés et punis, mais c’est finalement Sea Shepherd qui est inculpé, car les mafias taiwanaises qui gèrent le trafic des ailerons finance certaines constructions au Costa Rica. Même s’ils sont assignés à résidence, Rob Stewart et Sea Shepherd arrivent à filmer des entrepôts clandestins dans lesquels s’entassent des dizaines de milliers d’ailerons de requins. Le navire de Sea Shepherd s’échappe du Costa Rica poursuivi par les forces de l’ordre mais gagne finalement les eaux internationales.

Lorsque Sea Shepherd et Rob Stewart ont diffusé les images, les habitants du Costa Rica se sont soulevés et ont demandé l’interdiction de ce commerce. Les images sont très émouvantes. Comme quoi le combat et l’engagement d’un seul homme (aidé par Sea Shepherd) peut suffire à éviter le pire. Lorsque le film est sorti Rob Stewart n’avait que 28 ans.

Ne restons donc pas lesbras croisés et soutenons cette cause en commençant par recommander SharkWater autour de nous, refuser de manger dans des restaurants servants des plats aux ailerons de requin et ensuite aller sur Saving Sharks

Constellation : la NASA et le Pentagone ensemble ?

L'administration Obama s'installera au pouvoir dans quelques semaines. Une des questions sur lesquelles devra trancher sera l'avenir du programme Constellation initié par Georges W. Bush et dont nous vous avons souvent parlé sur ce blog. Le choix devra être fait dans un contexte de durcissement budgétaire sans précédent sans oublier que les Etats-Unis ne peuvent laisser les Chinois faire cavaliers seuls vers la Lune. 
Une partie de l'équipe de transition d'Obama planche déjà sur la question et des idées très iconoclastes ont été avancées. Dans un article de Bloomberg daté du 2 janvier 2009 et intitulé "Obama Moves to Counter China With Pentagon-NASA Link", on apprend qu'Obama pourrait rapprocher les équipes et les efforts de la NASA et de la division spatiale du Pentagone, afin de mutualiser les coûts (il s'agirait d'utiliser les lanceurs Delta IV et Atlas V, en lieu et place du futur lanceur Ares I) et surtout d'accélérer le retour des Américains sur la Lune pour ne pas se faire devancer par les Chinois. Une telle coopération serait inédite et remettrait en cause le caractère civil des programmes menés par la NASA, ce qui serait pour les employés et pour le monde une régression sévère, et un pas supplémentaire vers un affrontement entre les Etats-Unis et la Chine.L'article reprend bien les enjeux géopolitiques de la lutte que se livrent ces deux Etats.