samedi 14 mars 2009

Vie et mort du requin baleine


L’antenne des Philippines du WWF a annoncé la découverte du plus petit bébé requin baleine, long de seulement 38 centimètres, jamais observé (photo ci-dessus). A l’âge adulte, cette créature, qui est la plus grande de l’ordre des poissons, peut atteindre 20 mètres et 34 tonnes. Le spécimen a été découvert, le 7 mars dernier, aux Philippines à Donson. Au large de cette petite ville paisible, on peut assister aux plus grands rassemblements de requins baleines (j’irai bien y faire un saut un jour !). On ne connaît quasiment rien de la façon dont ces grands poissons s’accouplent ni où ils donnent naissance à leurs petits. Compte tenu de la taille du bébé, il est probable qu’il soit né aux Philippines. Une partie du mystère qui entoure ces majestueux animaux serait donc partiellement levé. Le petit a été relâché en haute mer. Rien ne dit s’il survivra tout seul. On peut en douter.


Le requin baleine est recensé dans l’Annexe II du CITES (Convention on International Trade in Endangered Species of Wild Fauna and Flora) plus communément appelée « Convention de Washington ». L’annexe II comporte les espèces pas nécessairement menacées d'extinction mais dont le commerce des spécimens doit être réglementé pour éviter une exploitation incompatible avec leur survie. La liste se trouve ici. Le document du CITES (Convention on International Trade in Endangered Species of Wild Fauna and Flora) pour l’inclusion du requin baleine dans l’annexe II contient énormément d’informations sur ce poisson.


Les asiatiques (Chinois et surtout Taiwainais et Hong-Kongais) s’intéresse à sa viande et surtout à ses ailerons. Officiellement, les Taiwanais ont interdit depuis deux ans ce commerce, mais la pêche et le trafic continuent, comme le montre cette image issue du film Sharkwater (cf. article sur ce blog).


Les requins baleines pourraient aussi être menacés (comme c’est le cas des dauphins) par les pêcheurs cupides qui souhaiteraient les capturer pour les vendre à des des aquariums. On peut par exemple déjà en observer en captivité (et oui !) dans quatre endroits sur la planète :


Si vous ne croyez pas que de telles créatures puissent se trouver dans un aquarium, rendez-vous sur Youtube, puis tapez le nom de l'un de ces aquariums suivi de "Whale Shark" et vous tomberez sur des centaines de vidéos prises par les visiteurs... La vidéo ci-dessous a été prise à Atlanta.




D'autres spécimens devraient également être placés dans le plus grand aquarium du monde (700 000 poissons !) au sein du Resort World à Sentosa (Singapour). Mais les promoteurs de l’hôtel-casino ont déclenché ces derniers jours la ire des associations écologistes pour s'opposer à la venue des requins baleines. A quand un casse perpétré par Sea Shepherd dans ce casino ?


Il est indispensable que les requins baleines et plus généralement les requins soient protégés. Le 5 février dernier, l'Union Européenne a franchi une étape en publiant son "plan d’action européen pour la conservation et la gestion des requins".

mardi 10 mars 2009

Heureux Jules


Voici un petit texte très sympathique de Philippe Chalmin paru dans Les Echos ce matin. Mon fils s'appelant également Jules (il a 14 mois), ce texte m'a beaucoup touché. Philippe Chalmin est professeur à l'Université Paris-Dauphine et membre du Conseil d'Analyse Economique. Il est l'un des grands spécialistes français des matières premières et je vous conseille ardemment la lecture de son dernier opus "Des épices à l'or noir : L'extraordinaire épopée des matières premières".
Philippe Chalmin - Heureux Jules - Les Echos - 10 mars 2009.
Jules Marly est né le 28 février à Pau, dans le Béarn. Il est le petit-fils de l'auteur de ces lignes et, mesuré à l'aune de la longue histoire de l'humanité, son destin promet d'être extraordinaire. A sa naissance, Jules a une espérance de vie de soixante-dix-huit ans, c'est-à-dire au moins trente ans de plus que son arrière-grand-père né en 1909, un siècle auparavant ; trente ans de plus aussi que les enfants nés ce même jour en Afrique subsaharienne. Jules est né du bon côté du monde et il ne devra jamais l'oublier. Jules est venu au monde en pleine crise économique, au moment même de la publication du recul de croissance aux Etats-Unis (- 6,2 % au quatrième trimestre 2008) le plus marqué depuis la guerre, au moment de la montée du chômage en France la plus forte là aussi depuis la guerre, au moment où les Bourses mondiales s'enfoncent, où à nouveau les banques et les compagnies d'assurances affichent des pertes historiques et se trouvent nationalisées du Royaume-Uni (Royal Bank of Scotland) aux Etats-Unis (Citigroup, AIG).

Jules est né un des jours les plus bas de l'histoire des marchés boursiers et financiers avec la matérialisation de pertes de plusieurs centaines de milliards de dollars. Mais la naissance de Jules est un merveilleux signe d'espérance, notamment pour un pays comme la France, qui bat des records de fécondité. Au moment où Jules commencera à marcher, dans une douzaine de mois, la crise se sera probablement estompée, même si elle aura laissé des traces dans le monde bancaire et financier : pas de « golden hello » en perspective.

Au moment de la naissance de Jules, le pétrole cotait à Londres 46 dollars le baril et le monde était en plein contrechoc pétrolier. Lorsque Jules aura vingt ans, vers 2030, donc, il étudiera à l'université la problématique du « peak oil » que le monde sera en train de traverser. Cependant la dépendance pétrolière de la planète aura évolué au fil du changement climatique que le monde aura subi. En ce jour de février 2009, les Pyrénées scintillent sous la neige. Plus tard, Jules assistera certainement à la disparition des derniers glaciers pyrénéens. Lorsque Jules aura cinquante ans, il participera à un événement unique dans l'histoire des hommes : la population du monde se sera stabilisée et ils seront alors un peu moins de 10 milliards.

Jules aura été partie prenante de l'immense effort du XXIe siècle pour satisfaire les besoins de ces 10 milliards d'hommes : besoins alimentaires, énergétiques, environnementaux, besoins matériels aussi. Jules naît dans un monde qui a certes acheté 1 milliard de téléphones portables en 2008, mais qui compte aussi 1 milliard de pauvres mal nourris, 2 milliards d'hommes disposant de moins de 2 dollars par jour. Jules connaîtra des révolutions technologiques que ses parents ne peuvent imaginer, qui permettront de répondre aux défis quantitatifs de la planète. Il faut par contre espérer que Jules et ceux de sa génération sauront mieux organiser le monde.

Quelques jours après la naissance de Jules se tiendra à Londres le sommet du G20. Plus tard, il apprendra dans ses manuels électroniques d'histoire contemporaine qu'en ce début du XXIe siècle le monde était au degré zéro de la gouvernance tant économique que politique, que l'Europe même était une sorte de bateau ivre dont le seul gouvernail monétaire était bien insuffisant pour maintenir un cap cohérent. Jules sera un Européen, c'est clair : ses parents sont des enfants d'Erasmus et de « L'Auberge espagnole ». Mais que sera l'Europe de Jules et de ses enfants ? Ce sera là une des questions majeures de son existence et la manière dont les principaux partis politiques français ont, le week-end de la naissance de Jules, préparé leurs listes pour les élections européennes de juin 2009 montre bien toute l'ampleur de la tâche de la génération de Jules.

Il y a encore des guerres dans le monde dans lequel Jules vient d'arriver, et même des guerres de religion et des guerres civiles. Jules devra lutter contre le retour des barbares, et des ignorants. Mais il y a aussi bien des signes d'espérance comme l'arrivée d'un Noir à la Maison-Blanche quelques semaines avant sa naissance et puis l'oscar à Los Angeles pour un film « indien », « Slumdog Millionaire », l'image de l'émergence de l'Inde mais aussi de toute l'Asie. Oui, Jules et tous ceux qui sont nés en ce début de 2009 connaîtront une vie extraordinaire dominée, croyons-le, par l'espérance des hommes, par leur capacité à atteindre la vieille utopie hégélienne de « la fin de l'histoire ». Heureux Jules !

lundi 9 mars 2009

Earth Hour

Le 28 mars prochain, de 20h30 à 21h30, en éteignant vos lumières, vous, les habitants de la Terre, aurez la possibilité de prouver votre cohésion en participant à la Earth Hour. Il y a deux ans, à l'initiative du WWF, deux millions de personnes à Sidney ont montré que collectivement le changement était possible. L'an dernier, plus de 370 villes dans 35 pays se sont associés à cette initiative. Cette année le phénomène devrait encore prendre une ampleur plus grande, 930 villes dans 80 pays (dont la France) se sont engagées. Toutes les informations pour celles et ceux qui voudraient participer en France se trouvent sur Earth Hour France. Alors vous savez ce qui vous reste à faire : éteignez la lumière !

The Cove



Dans un précédent post, je vous avais parlé des horribles massacres de dauphins dans la région de Taiji au Japon. Ces massacres durent depuis des décennies malgré les photos atroces prises par les activistes et les manifestations annuelles devant les ambassades japonaises. Il fallait quelque chose de plus fort pour que cela cesse. 

Comme dans le cas des requins avec Sharkwater (cf. aussi un précédent post), un film-documentaire va peut-être changer la donne. Il s’agit de « The Cove » (la petite baie, en référence à l'endroit où les dauphins sont massacrés) qui vient de gagner haut la main le prix de l’audience au SunDance Film Festival et dont voici la bande-annonce.




Ce documentaire tourné dans la région de Taiji, met en scène Richard O’ Barry qui dans les années 60 était le dresseur des dauphins qui jouaient le rôle du fameux Flipper. A la suite de la mort d’un de ses dauphins, Richard O’ Barry s’est engagé contre la captivité des dauphins mais surtout contre les massacres de Taiji dont les rares survivants peuplent les delphinariums du monde entier. Il a essayé à de multiples reprises de révéler ce scandale à la planète et surtout aux Japonais (dont la plupart ignore ces actes et les condamneraient), mais il n’y est jamais véritablement parvenu. D’autres activistes comme Sea Shepherd, dont on a souvent parlé sur ce blog, sont également intervenus dans la région mais c’est toujours Richard O’ Barry à travers le collectif Save Japan Dolphins qui veille. 

Cette fois-ci sera on l’espère la bonne. Le documentaire suit une bande d’activistes dotés d’équipements ultra-sophistiqués qui cherchent à donner la preuve définitive au monde. Apparemment ils ont réussi et de nombreux journalistes ont comparé le scénario à Oceans 11 ou Bourne Identity ! On a hâte de découvrir ce film, qui sortira au mois d’avril aux Etats-Unis et j’espère bientôt en France. On a surtout hâte que les massacres s'arrêtent.

Pour celles et ceux qui n’auraient pas le courage d’attendre pour découvrir le mystère que vont découvrir les activistes dans The Cove, je vous propose de regarder à nouveau cet extrait du film Earthlings. Sans commentaires.


dimanche 8 mars 2009

Wolfram Alpha


Stephen Wolfram vient d’annoncer sur son blog le lancement d’un nouveau service qui, selon lui, a le pouvoir de changer le web… et le monde. Le service s’appellera Wolfram Alpha et sera disponible à partir du mois de mai sur le site www.wolframalpha.com. On ne sait encore que peu de choses sur ce service, si ce n’est qu’il se présentera comme Google, analysera la question posée par l’internaute (ce que ne fait pas Google) et « calculera » la réponse (sur la base de milliards d'informations archivées et classées) au lieu de renvoyer seulement les pages web les plus pertinentes. La technologie s'appuiera sur des algorithmes mathématiques très puissants. Venant de Wolfram, il faut s’attendre à tout, et certainement au meilleur.  

Stephen Wolfram est un des scientifiques que j’admire le plus, si l’on met à part son égo surdimensionné, car il a cette capacité à élaborer une vision et à travailler des années voire des décennies pour lui donner corps. Jeune prodige, il a achevé sa thèse de physique des particules à Caltech à 20 ans puis a monté sa société (Wolfram Research) pour créer l’outil mathématique qui lui manquait pour analyser le monde subatomique. Ce logiciel s’appelle Mathematica, et dispose de capacités de traitement symboliques et graphiques extraordinaires, comme le montre cette splendide surface en trois dimensions. 
A l’aide de cet outil, Wolfram a pu finalement reprendre les recherches qu’il avait interrompues 20 ans plus tôt et a publié en 2002 un ouvrage dont le titre dit tout de la modestie de son auteur : A New Kind of Science

Ce livre, un des plus beaux livres de science jamais publié, est truffé de résultats de simulation où l’auteur montre que la complexité de notre monde, peut émerger de règles itératives extrêmement simples. Il y analyse des systèmes appelés automates cellulaires. Ces systèmes, dans leur forme la plus simple, sont une succession de lignes faites de pixels noirs et blancs. La couleur du pixel d'une nouvelle ligne est déduite de la couleur des 3 pixels qui se trouvent immédiatement au dessus. Par exemple ci-dessous, voici l'évolution d'un automate cellulaire, associé au jeu de règles numéro 30 (rule 30). 


Lorsqu'on laisse le système itérer encore, on voit apparaître des phénomènes chaotiques. 

Wolfram a montré que si l'on prend la verticale composée des pixels du milieu du triangle, on arrive à une série de 0 et de 1 qui forment une suite de nombres parfaitement aléatoires. L'automate cellulaire "rule 30" est l'un des programmes informatiques les plus simples capables de générer le "hasard", hasard qui comme on le sait est au coeur des lois d'évolution de la Nature.
Malgré tout le buzz que l’auteur avait créé autour de la parution de ce livre (il avait prétendu que le livre contiendrait des découvertes qui révolutionneraient la science), il n’en est malheureusement rien ressorti de si révolutionnaire. Wolfram est toujours à la recherche des règles élémentaires qui expliqueraient l’évolution des particules élémentaires et expliqueraient la naissance à l’univers.  
En tout cas, ce qui est indéniable, c’est que ces projets démiurgiques l’ont conduit à sans cesse améliorer son outil et qu’aujourd’hui Mathematica, est l’une des plus belles réalisations logicielles jamais crées. Ce logiciel (qui en est à sa septième version en 20 ans, et Wolfram a participé au développement de chacune de ces versions qui sont toujours une révolution par rapport à la version précédente) permet de traiter et de visualiser tous les problèmes de mathématiques, avec un langage et une interface d’une puissance inégalée. Les algorithmes et les traitements derrière Alpha s'appuient sur Mathematica et sur les théories développées par Wolfram dans A New Kind of Science.
De la même manière qu'il y a eu un avant et un après Google, y-aura-t'il un avant et un après Alpha ? On en reparlera en mai.

PS : cela rappelle le site True Knowledge.