samedi 26 septembre 2009

Deyrolle renaît de ses cendres


La Maison Deyrolle est l'un de ces endroits insolites qui font de Paris une ville que le monde entier envie. Située au 46 rue du Bac, presque à l'angle avec le boulevard Saint-Germain, elle abrite depuis près de 200 ans une boutique qui vend d'extraordinaires créatures empaillées, un cabinet de curiosité qui nous rappelle la beauté et la diversité de notre planète. L'impression y est encore plus étrange qu'à la Grande Galerie de l'Evolution du Muséum (que j'ai revisitée avec plaisir avec mon fils il y a deux semaines, et où nous avons pu admirer le coelacanthe offert par le gouvernement comorien à François Mitterand). En effet, les yeux des animaux sont tellement bien faits qu'ils semblent vous regarder, vous suivre dans votre visite. C'est vraiment un endroit à découvrir, même si on peut évidemment déplorer que certains animaux soient des trophées de chasse (la plupart seraient des animaux morts dans des cirques, des zoos ou dans des conditions naturelles, ce dont on peut légitimement douter).


Le 1er février 2008, suite à un tragique court circuit, la boutique a été dévastée par les flammes. Les collections d'insectes, de papillons et d'animaux ont été dévastées. Le stock de la boutique était anéanti et sans la générosité incroyable de ses meilleurs clients qui ont offert des pièces qu'ils possédaient, cette vénérable institution aurait fermé ses portes. Aux quatre coins du monde, ses aficionados se sont mobilisés (comme l'atteste par exemple cet article du New York Times). Gallimard, l'éditeur de la rue voisine Sébastien Bottin, a en soutien sorti en août 2008 Deyrolle : pour l'avenir un petit livre de photos agrémenté de textes de Pierre Assouline (cf. extrait sur son blog).


Mi-calcinés, certains animaux ont "survécu" à une deuxième mort. Il se dégageait d'eux une beauté étrange, mélancolique, macabre. Ces animaux semblaient nous rappeler que les créatures de la Terre entière pourraient un jour disparaître par un feu dévastateur (nucléaire) ou par le feu doux imposée à la biodiversité par la croissance de l'espèce humaine. Ils étaient si beaux et évoquaient de façon si évidente la fragilité de la Nature, qu'une exposition fut organisée en novembre 2008 suivie d'une vente aux enchères. Les photos et les informations sur les oeuvres dispersées pendant cette vente sont disponibles sur le site de Deyrolle. Vous pouvez également regarder ce film qui présentait l'exposition sur YouTube. Un livre sur l'exposition, Nature Fragile, a également publié.



Certaines photos étaient exceptionnelles comme celles de Marc Dantan insérées ci-dessous (celles de Nan Goldin n'étaient pas extraordinaires).



Yann Arthus Bertrand (dont la famille possède la boutique située non loin de Deyrolle, place Saint Germain des Près) a également offert des photos sublimes d'un lion défiguré.


Grâce à cet élan de générosité, le 25 septembre après un an et demi de travaux, la boutique a rouvert entièrement et le stock est reconstitué. Le Monde a consacré aujourd'hui un article sur ce sujet et un autre aux artistes qui ont contribué à la survie de Deyrolle. Une exposition intitulée 1000°C vous attend aussi jusqu'au 1er décembre. Si vous n'y avez jamais été et que vous passez par Paris, précipitez-vous pour visiter ce lieu extraordinaire.


PS : Pour ceux qui aime l'atmosphère étrange de Deyrolle, il y a quelques passages de l'excellent roman de Maxime Chattam Les Arcanes du Chaos qui s'y déroulent. L'héroïne du roman y travaille. C'est l'un des meilleurs thrillers que j'ai pu lire (malheureusement ses autres romans sont moins bons que celui-ci).


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