mercredi 17 décembre 2014

Citadelle et Le Vaisseau Terre


Petit cadeau de Noël avant la date. Je viens de tomber sur ce message de Paul Gardner qui figurait dans une première version d'Ombres et Lumières mais (pour des raisons que j'ignore) pas dans la version finale. Il y est question de Citadelle, l'oeuvre la plus mystérieuse et la plus riche de Saint-Exupéry. Avec le Petit Prince évidemment.

Citadelle et le Vaisseau Terre
 
L’humanité s’est lancée dans ce nouveau siècle sans cap. Elle est comme une nuée d’oiseaux migrateurs qui ne trouverait plus le champ magnétique qui normalement l’oriente. À force de se mouvoir sans but, elle s’épuise, se perd et se meurt.
Juste avant sa mort, Saint-Exupéry nous a laissé Citadelle, un ouvrage mystérieux, resté inachevé, qui rassemble ses réflexions les plus profondes. Il y est question d’un Chef, vivant dans le désert, qui s’interroge sur la conduite et l’avenir de son royaume. Il est obsédé par la lutte contre le relâchement qui pourrait entraîner le déclin de son peuple. Pour l’en éloigner, il doit constamment trouver un sens qui dépasse le destin de chaque individu. Le Chef nous dit : « La caravane se meut nécessairement dans une direction qui la domine, elle est pierre pesante sur une pente invisible ». Dessiner cette pente invisible est la responsabilité du Chef. Nos dirigeants l’ont oublié et l’humanité glisse dans une direction qui ne mène nulle part. Il faut redonner du sens. 
Recréer les liens qui définissent notre espèce, gérer la finitude de nos ressources et corriger les erreurs du passé, voilà déjà l’amorce d’un projet fédérateur pour l’humanité et qui l’occupera amplement pour ce siècle. Il faudrait graver ces objectifs dans le cœur des hommes. Ils doivent se prendre en main et œuvrer ensemble à la construction de ce Siècle bleu. Le Chef nous dit : « si tu veux qu’ils soient frères, oblige-les de bâtir une tour. Mais si tu veux qu’ils se haïssent, jette-leur du grain ». C’est dans la construction collective que l’Homme se réalise et non pas dans la prospérité individuelle. Par facilité, nos dirigeants répètent sans cesse là aussi cette même erreur. S’ils veulent que l’on se souvienne d’eux comme de grands Hommes, ils doivent veiller à garder ce cap et non plus endormir les peuples pour être réélus.
Pour que ce siècle soit une réussite, il faudra aussi que l’humanité retrouve sa ferveur. Le Chef dit à ce propos : « Si tu veux sauver ton empire, crée-lui sa ferveur. Il drainera les mouvements des hommes. Et les mêmes actes, les mêmes mouvements, les mêmes aspirations, les mêmes effets, bâtiront ta cité au lieu de la détruire ». 
La ferveur se forge dans l’image que le peuple forme du projet collectif. Le Chef a choisi pour la citadelle qu’il construit celle d’un navire, « navire des hommes sans lequel ils manqueraient l’éternité ». Le grand projet de l’Humanité, auquel je crois plus que tout, pourrait être de donner enfin corps au concept de vaisseau Terre que les premiers astronautes ont découvert. Saint-Exupéry en avait eu l’intuition.
Comme l’expérience menée à Biosphere 2 l’avait illustré, nous sommes embarqués sur une même barque dans une croisière cosmique. Plutôt que de vivre un enfer et nous détruire, nous devrions plutôt apprendre à vivre ensemble. Nous devrions d’abord définir un rôle enthousiasmant, mais exigeant, pour chacun des membres de l’équipage. L’absence de sens dans leur vie mine les humains. Pour parvenir au bonheur, celle-ci doit s’inscrire dans un projet plus vaste. À bord du vaisseau Terre, les tâches pour les milliards d’humains ne manqueront pas. Répertorier les richesses embarquées, entretenir les jardins, les coursives et les moteurs, nourrir, protéger, soigner et faire progresser l’équipage, mais aussi innover en inventant les moyens pour que les ressources ne s’épuisent pas et que le navire fonctionne indéfiniment. Il faudra aussi apprendre à respecter toutes les formes de vie embarquées avec eux. 
On me taxera certainement d’utopiste, mais ce concept serait quand même plus fédérateur pour l’humanité qu’une économie folle dont nous ignorons la finalité ! Nous avions bien essayé d’infléchir cette tendance en introduisant la notion de « développement durable ». Mais ce concept était une voie sans issue. Les dirigeants nous ont expliqué, sans y croire eux-mêmes ou sans y avoir réfléchi, que croissance économique et consommation des ressources pouvaient être découplées, alors que c’était l’état d’esprit de l’homme qu’il fallait transformer. Osons affronter le défi qui nous attend dans ce Siècle bleu avec un projet à sa mesure. Créons et gréons le vaisseau Terre !
L’humanité a besoin d’un tel changement d’état d’esprit pour se redresser et retrouver sa dignité au sein du cosmos. Une fois ce sens retrouvé, elle pourra poursuivre son chemin, apaisée. 
À demain.

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