samedi 10 janvier 2015

#JeSuisCharlie #JeSuisGoldorak

Les tueries de Charlie Hebdo, de Montrouge et de Vincennes sont d’une gravité sans précédent dans notre histoire récente et appellent une réaction mais surtout une réflexion à la hauteur de l’évènement. La réaction ne doit surtout pas prendre la forme de descentes policières permanentes dans les banlieues, d’une intervention militaire au Proche-Orient, d’une stigmatisation des communautés musulmanes, de l’introduction de lois liberticides ou de la réinstauration de la peine de mort pour des actes de ce genre. Si on veut se montrer plus intelligent qu’eux, on ne répond pas au mal par le mal, on ne répond pas aux extrêmes en créant de nouveaux extrêmes. Ce serait faire honte à la mémoire des dessinateurs, journalistes, représentants des forces de l’ordre disparus, qui se sont toujours battus pour la liberté et les valeurs de la République.

De la même manière qu’il y a eu un avant et un après 11 septembre, il y aura un avant et un après 7 janvier. Cependant on voit bien qu’il s’agit d’un phénomène d’une tout autre nature et il faut tout faire pour que l’après 7 janvier ne ressemble pas à l’après 11 septembre.

La réponse doit être une France unie, qui n’oublie pas ses idéaux sous prétexte que ceux-ci ont été bafoués par fous. Seule la lumière peut chasser l’obscurité. L’élan de compassion, d’empathie auquel nous avons assisté en France et à travers le monde est d’une ampleur inédite. Il montre à quel point l’âme humaine est belle et ses ressources inépuisables. Grâce à la formidable capacité des réseaux sociaux, utilisés enfin d’une façon qui aurait émerveillé Teilhard de Chardin, les caricatures toutes plus drôles et plus intelligentes se sont multipliées à l’infini, les messages de paix et de soutien unis sous la bannière #JeSuisCharlie. Une armée spontanée de dessinateurs a pris ses crayons et nous avons brandi leurs œuvres pour chasser l’obscurité et ne plus avoir peur, et surtout se dresser avec ces armes du pauvre contre ceux qui utilisaient les armes des faibles. C’est merveilleux, surréaliste. Une humanité positivement synchrone, unie par la mémoire, l’humour et la poésie de ces artistes si gentils qui ont été massacrés de façon absurde et gratuite. 
Certes certaines franges de la population sont restés insensibles ou ont cautionné ces actes, mais dans l’écrasante majorité les Français et les humains se sont unis derrière Charlie. Les fanatiques de tous poils ont dû se sentir bien seuls ces derniers jours.

En écrivant ma saga Siècle bleu, j’avais imaginé que la mort injuste de Paul Gardner (mon héros astronaute et poète, tué lui aussi par des cyniques d’un autre genre) puisse déclencher une révolution planétaire et pacifique, la Révolution bleue, rendue possible justement par la puissance des réseaux sociaux. On m’avait pris pour un fou, un utopiste (ce que j’avais évidemment pris pour un compliment) mais on voit que cela est désormais possible.
A l’époque du 11 septembre, du tsunami de 2004 ou de Katrina en 2005, Twitter et Facebook n’existaient pas encore ou étaient balbutiants. Depuis d’autres événements ont suscité des mouvements de compassion à l’échelle mondiale sur les réseaux, mais ici on a touché les Français et l’humanité dans ce qu’ils avaient de plus précieux : le droit de s’exprimer, de rire et de caricaturer (même de façon totalement irrévérencieuse). L’identité des victimes a aussi beaucoup joué. Tout le monde ne connaissait pas ou n’appréciait pas les dessinateurs de Charlie Hebdo, mais toute une génération (la mienne) connaissait Wolinski et surtout Cabu. Cabu le dessinateur de Récré A2 qui m’avait appris à dessiner les oiseaux (le seul dessin correct que j’arrive encore à faire pour épater mes enfants). Cabu celui qui avec Dorothée restera éternellement associé aux meilleurs moments de notre enfance. Les tueurs, dont le plus âgé avait 34 ans, devaient le connaître aussi, mais le lavage de cerveau dont ils ont été l’objet a certainement effacé ce souvenir.

En tuant Cabu, c’est comme si l’armée de Vega avait réussi à détruire Goldorak. Le tabou absolu ! Un Actarus de plus âgé de 76 ans ! En croyant nous décapiter, nous mettre à genoux, ils ont frappé là où nous sommes le plus fort, une force que nous avons tous tendance à oublier : l’enfant qui est en nous. Vous ne pouvez pas imaginer ce que vous avez réveillé les gars !

Goldorak est mort mais si vous revenez, maintenant on vous attend avec Alcor, Venusia, Albator, Capitaine Flam, Cobra, Esteban, Tao, Zia, Watoo-Watoo et tous nos rêves d’enfant. Vous nous reconnaîtrez, nous ne serons pas cagoulés et nous serons armés de roudoudous brûlants et de bâtons de réglisse. 

#JeSuisCharlie #JeSuisGoldorak #SiecleBleu